
BOUSILLE ET LES JUSTES

©Ville de Rouyn-Noranda
INTRODUCTION
De Les Belles-sœurs de Michel Tremblay en passant par Habiter les terres de Marcelle Dubois, le théâtre québécois fascine les spectateurs, parfois au point de revenir au goût du jour. C’est le cas de Bousille et les justes, une pièce écrite par Gratien Gélinas et réadaptée trente ans plus tard dans divers théâtres dont le Théâtre du cuivre le 29 septembre 2016 (Demers, 2016, p. 1). Cette critique portera sur l’espace dramatique de la diégèse, sur l’intrigue, sur le décor, l’éclairage et la sonorisation, sur les personnages, sur la symbolique des éléments scéniques ainsi que sur la présentation globale de la pièce.
Espace dramatique
La diégèse se déroule dans un hôtel de Montréal où dorment les personnages pour le procès d’Aimé. On y voit non seulement les chambres des personnages, mais également la réception de l’hôtel où une secrétaire travaille en arrière-plan. On voit le parcours de tous les personnages pour se diriger vers l’accueil, entre autres lorsqu’ils descendent l’escalier. On peut aussi apercevoir les corridors où passent de temps à autres des femmes de chambres ou des serveurs. Bousille et les justes, traditionnellement, se joue seulement dans une chambre d’hôtel, mais le metteur en scène a délibérément décidé d’élargir l’espace dramatique afin que le spectateur ait conscience de l’ampleur du complot qui entoure Bousille (Bédard, [s.d.], Web). Des personnages parlent également d’événements qui surviennent dans un bar, tout particulièrement dans les toilettes de celui-ci où un meurtre a lieu, et du grenier où une jeune fille retrouve Bousille pendu à la fin de la pièce.
Intrigue
Résumé de la diégèse
La diégèse se déroule à Montréal alors qu’une famille respectable de Sainte-Tite vient assister au procès d’Aimé, qui est accusé du meurtre de l’amant de sa petite amie de l’époque. Le seul témoin des événements est Bousille, un cousin éloigné simple d’esprit dont les informations sont compromettantes. Afin d’éviter la prison à Aimé, la famille décide d’user de menaces et de violence pour imposer à Bousille de mentir lors du procès. Ils y parviennent, mais celui-ci se suicide suite aux événements, trop honteux d’avoir dit des mensonges et d’être retombé dans le vice de l’alcool, alors qu’il avait promis sur un livre sacré de dire toute la vérité.
Une intrigue elliptique à la manière des romans policiers
La diégèse, bien que les événements vus sur scène se déroulent de manière linéaire, est elliptique pour deux raisons. D’une part, tout comme dans les romans policiers, on apprend au fur et à mesure des éléments passés qui viennent éclairer les événements présents dans la pièce. Sans ceux-ci, il n’y aurait tout simplement pas d’histoire et ils font partie intégrante de la diégèse même s’ils sont racontés plutôt que montrés. On peut observer cette manière de faire aussi dans d’autres pièces telles que Antigone de Sophocle. Cela est fait soit pour éviter de choquer le spectateur, soit par manque d’espace sur la scène pour montrer les événements. Cela est aussi fait parfois, comme dans Habiter les terres de Marcelle Dubois, afin de laisser au spectateur la possibilité de s’imaginer les événements à sa manière. Dans ce cas-ci, les événements racontés visent à imiter la structure des romans policiers. Ainsi, le spectateur découvre au fur et à mesure certaines informations qui ont une grande influence sur l’intrigue. C’est le cas notamment de la manière dont la dispute entre Aimé et l’amant de sa petite amie se déroule et mène à la mort de celui-ci. On apprend aussi de cette manière que Bousille accorde une grande importance à la religion, car il est persuadé que celle-ci peut le sauver de l’enfer de l’alcool. De plus, on ne montre pas le meurtre afin de servir les thèmes que l’auteur souhaite aborder dans la pièce : le but de Bousille et les justes est de dénoncer l’hypocrisie et le mensonge, pas de montrer que la justice est infaillible. D’autre part, certains moments de la pièce sont montrés en accéléré comme dans un film ou bien lors de chorégraphies où dansent les personnages. Cette manière originale de montrer le temps qui passe touche particulièrement le spectateur, car la danse permet de faire refléter les émotions vives ressenties par les personnages. Effectivement, il s’agit d’un langage universel d’expression du corps.
Schéma actantiel
Le sujet
Il s’agit de Bousille. Non seulement son nom apparait directement dans le titre, mais le personnage apparait aussi très souvent dans la diégèse. De plus, l’histoire tourne autour de lui puisque sa version des événements pourrait faire en sorte qu’Aimé ne sorte pas de prison (Âllo prof, [s.d.], Web).
L’objet
La quête de Bousille est de rester dans le droit chemin. En effet, devenu alcoolique à force de côtoyer Aimé, il cesse après l’arrestation de son cousin. Un prêtre dit alors à Bousille que Dieu sera toujours à ses côtés dans sa lutte contre le gouffre de l’alcool s’il reste bon et droit. Bousille se donne ainsi pour objectif de toujours être un bon Catholique (Âllo prof, [s.d.], Web).
Le destinateur
Le prêtre est le destinateur, car c’est lui qui dit à Bousille qu’il doit être un bon Chrétien s’il désire ne pas retomber dans l’enfer que représente l’alcool. Autrement dit, c’est lui qui donne la quête à Bousille (Âllo prof, [s.d.], Web).
Le destinataire
Le destinataire est Bousille puisque c’est lui qui profite du fait d’être libéré de l’alcool (Âllo prof, [s.d.], Web).
L’adjuvant
Noëlla, la femme d’Henri, est l’adjuvante de Bousille. En effet, très douce et gentille avec lui, elle l’encourage à rester dans le droit chemin. Le prêtre aussi peut être considéré comme un adjuvant dans une moindre mesure puisqu’il pousse Bousille à faire le bien, mais sa présence n’est qu’évoquée dans la pièce (Âllo prof, [s.d.], Web).
L’opposant
Phil et Henri sont les opposants de Bousille. En effet, ils tentent de le convaincre de mentir lors du procès, alors que cela va contre la volonté de Dieu et de la justice. Phil se sert de la manipulation et tente de culpabiliser Bousille, mais cela ne fonctionne pas. Henri, qui est très colérique, décide alors de recourir à la violence. Il hausse le ton, pèse sur une blessure qu’a Bousille au genou pour lui faire mal, le pousse au sol, l’immobilise et le force à boire de l’alcool en lui en versant dans la bouche contre son gré. (Âllo prof, [s.d.], Web)
Décor, éclairage et sonorisation
Décor
Le décor est principalement composé de meubles des années 1960 pour illustrer l’hôtel où se trouvent les personnages et l’époque à laquelle l’histoire se déroule. Le lieu étant perçu dans une perspective très large, les comédiens disposent de beaucoup d’espace pour se déplacer et pour faire évoluer la diégèse. Ce qu’il est intéressant de noter, c’est la manière dont les comédiens relient les pièces entre elles. En effet, il n’y a aucune porte matérielle sur la scène, mais les personnages qui passent d’une pièce à l’autre imitent à chaque fois un mouvement de porte. Lorsque l’un des personnages en ferme ou en ouvre une, le son entre la pièce principale où se déroule la diégèse et le lieu où les personnages se trouvent est coupé. On voit les personnages bouger, mais ils ne parlent pas. Cela accorde au spectateur une perspective omnisciente qui lui permet de voir tout ce qui arrive dans l’hôtel.
Éclairage
L’éclairage est utilisé dans le but de créer une ambiance lorsque les personnages dansent. En effet, des lumières stroboscopiques se ferment et s’ouvrent rapidement dans des teintes bleutées à ces moments. Cela percute le spectateur, l’agresse et le rend nostalgique à la fois. Les émotions qui se bousculent chez le spectateur est une façon de montrer, à la manière d’une catharsis qui fait vivre des émotions par procuration, les sentiments qui s’entrechoquent chez les personnages. Dans l’univers onirique où ceux-ci dansent, le spectateur se laisse transporter, bercé par la lumière qui le déstabilise.
Sonorisation
La sonorisation est assez traditionnelle malgré le fait que l’on cesse d’entendre les personnages lorsqu’ils changent de pièce. Cependant, une musique vient agrémenter les danses des personnages. La mélodie est utilisée, tout comme dans les films, pour orienter les émotions ressenties par le spectateur. Cela le bouscule davantage et le trouble profondément.
Personages
Analyse
Les personnages dans Bousille et les justes représentent soit la bonté, soit la méchanceté.
D’un côté, les personnages de Bousille, Noëlla et la mère parlent avec une grande sensibilité. Ils ne désirent que faire le bien et ils souhaitent ce qu’il y a de mieux pour leur entourage. Très affectée par l’emprisonnement d’Aimé, la mère pleure pour lui et elle prie pour qu’il soit libéré. Bousille désire que la justice soit rendue tout comme Noëlla, qui n’approuve pas les méthodes d’Henri pour faire libérer son frère. Bousille, très chétif et assez naïf, semblable à un enfant, se laisse faire lorsque ses cousins le malmènent pour le convaincre de mentir au procès. Noëlla aussi est très docile et elle ne se démène pas vraiment lorsque son mari s’énerve contre elle. Elle tente aussi, en se laissant faire, protéger l’enfant qu’elle porte, ce qui montre ses qualités de mère aimante. Généreuse, elle recoud un bouton sur la chemise de Bousille, qu’elle semble affectionner particulièrement. Elle s’inquiète aussi pour son amie, l’ancienne copine d’Aimé, qui se fait mettre la pression pour parler des événements qui précèdent le décès de son amant.
D’un autre côté, Henri se fâche facilement et il cri lorsque quelqu’un le contredit. Il devient même violent par moments, surtout lorsqu’il décide de convaincre Bousille de mentir au procès d’Aimé. Quant à Phil, le beau-frère d’Aimé, il est hypocrite, menteur et manipulateur, a un penchant pour la bouteille, est trop lâche pour défendre Bousille lorsqu’il trouve qu’Henri va trop loin dans ses méthodes pour le convaincre de mentir au procès et il trompe sa femme. Celle-ci a aussi un caractère très fort. Elle refuse de se faire dire quoi faire et elle n’hésite pas à affirmer son opinion. Pour elle, seule la vision que les autres ont d’elle compte.
Concernant l’ancienne petite amie d’Aimé, elle est plus difficile à placer dans une ou l’autre de ces catégories. En effet, elle se montre très acerbe envers ceux qui veulent défendre Aimé, mais elle a tout de même de bonnes raisons de leur en vouloir. En effet, ceux-ci tentent d’excuser le crime d’Aimé en soulignant le fait qu’elle l’a laissé tomber pour un autre homme. De plus, elle se montre très gentille avec son amie, Noëlla.
Avis personnel sur les personnages
Très forts, les personnages de la pièce Bousille et les justes ne manquent pas d’affecter le spectateur. Qu’ils soient les bourreaux ou les victimes, ils reflètent bien l’époque où la pièce a été écrite. En effet, il s’agit d’une période où les plus forts dominaient les faibles. Ces injustices irritent au plus haut point le spectateur, qui voudrait protéger ceux qui se font maltraiter tout comme il aimerait secouer les victimes en leur criant de se défendre. On déteste ceux qui font du mal aux autres et on s’attache aux gentils.
Symbolique des éléments scéniques
La religion comporte une grande symbolique dans cette pièce. En effet, bien que Bousille et la mère voient en celle-ci un message d’espoir, Bousille et les justes semble plutôt critiquer la religion. Elle semble davantage aveugler de manière ridicule et injustifiée qu’indiquer une voie à suivre. Par exemple, la mère panique au moment de perdre son chapelet. Elle veut à tout prix retourner à Saint-Tite uniquement pour le récupérer malgré une grande distance entre sa maison et la métropole, car elle est persuadée qu’il va porter chance à son fils qu’elle estime non-coupable. Bousille, lui, voue une foi aveugle en la religion, persuadé que le fait d’être gentil suffira à lui éviter à recommencer à boire. Ses croyances n’empêchent pourtant pas Henri de lui verser de l’alcool dans la bouche. Aussi, sa croyance démesurée le pousse à mentir au procès. En effet, son cousin force Bousille à jurer sur la Bible qu’il va omettre certains détails importants.
OPINION GLOBALE DE LA PIÈCE
Cette pièce est très touchante et entraînante. On pleure avec les personnages, on ressent bien leur douleur et leur désespoir. La chute de la fin, soit la mort de Bousille, donne un grand choc au publique, qui s’est attaché à ce personnage qui fait penser un peu à un enfant plein d’espoir et de bonté. C’est le cœur lourd que l’on sort du théâtre, se demandant si l’amour mérite qu’on commette des injustices.
Distribution des rôles :

©Vachon, Nicola-Frank

©David, Chantal

©Vachon, Nicola-Frank


©Vachon, Nicola-Frank
©Colonelle films
Jean-Denis Beaudoin
Rôle : frère Nolasque
Danièle Belley
Rôle : Colette
Laurie-Ève Gagnon
Rôle : Noëlla
Eliot Laprise
Rôle : Henri
Valérie Laroche
Rôle : Aurore

©Théâtre la Bordée
Simon Lepage
Rôle : Phil

©Vachon, Nicola-Frank
Christian Michaud
Rôle : Bousille

©Vachon, Nicola-Frank
Maxime Perron
Rôle : l'avocat

©Vachon, Nicola-Frank
Ghislaine Vincent
Rôle : madame Grenon